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C’est fait.
Le si prometteur Félix Auger-Aliassime a enfin remporté un titre ATP.
Cette attente fut l’une des plus longues de l’histoire de ce circuit en ce qui a trait au nombre de finales sans victoire… Félix n’étant devancé que par l’Américain Pat Dupre et le Français Cédric Pioline (0/9).
Mais cela n’a plus d’importance maintenant. En mettant fin à ce qui pouvait sembler une malédiction des plus difficiles à endiguer, le Canadien de 21 ans s’ouvre la porte à une multitude d’autres succès dans un avenir rapproché.
Un avenir des plus rose, il faut le reconnaître.
En pulvérisant un de ses plus récalcitrants rivaux, dans la finale du tournoi intérieur de Rotterdam, aux Pays-Bas, Auger-Aliassime a mis fin à cette quête en apparence interminable, mais aussi à une séquence d’insuccès face au Grec qui l’avait battu lors des cinq dernières rencontres, en près de trois ans.
Et il l’a fait de percutante façon, méritant la page frontispice du site Web de l’ATP.
Vous direz peut-être que Tsitsipas n’a pas connu un grand match. Vous avez raison.
Mais le grand responsable porte les initiales FAA.
Car il y a une différence entre manquer des coups de routine et être carrément poussé à la faute par un adversaire qui, lui, est régulier comme une horloge, qui retourne la majorité de vos premières balles et qui connaît une excellente journée au service.
En fait, correction, ici. Félix a non seulement connu une excellente JOURNÉE au service, mais surtout, une excellente SEMAINE. Et, pour être franc, disons qu’il connaît une excellente ANNÉE au service. Il a accru le nombre d’as, a diminué le nombre de doubles fautes en plus d’obtenir une moyenne de premières balles digne du joueur du Top 10 qu’il est devenu.
Quant au nombre de retours qu’il garde en jeu, là aussi, il ajoute cette corde à son arc. À titre d’exemple, en route vers la finale de Rotterdam, les deux tiers des premiers services du Grec n’étaient pas retournés par ses adversaires. Auger-Aliassime, lui, en a retourné plus de 50 pour cent.
En fait, dans cette finale, rien ne semblait résister au champion. Même les coups désespérés retombaient toujours sur la ligne au grand dam d’un Tsitsipas dont les épaules baissaient sans cesse au fur et à mesure que le match progressait.
Cette finale aura représenté la prestation la plus expéditive des cinq matchs de son tournoi. Après un départ cahoteux face au vétéran Biélorusse Egor Gerasimov, il a vaincu le respectable Andy Murray, puis a résisté à un mur défensif nommé Cameron Norrie, avant de connaître un très, très grand match contre le puissant Andrey Rublev.
Même que cette victoire a imprimé un sourire indélébile sur le visage de son stoïque entraîneur, Frédéric Fontang. C’est vous dire la satisfaction, le soulagement et la délivrance d’une longue quête et d’une longue attente.
Malgré l’âge précoce du Québécois (21 ans), il faut à nouveau rappeler qu’il a dû attendre à sa neuvième finale pour non seulement remporter une première manche (après 16 perdues), mais aussi un trophée ATP. Une séquence si longue qu’elle finit par vous paralyser chaque fois qu’une nouvelle occasion se présente.
Tennis TV a publié une courte, mais touchante vidéo rappelant le chemin parcouru en très exactement quatre ans. Et, plus intéressant encore, rappelant le fait que c’est dans cet aréna Ahoy, de Rotterdam, que l’aventure ATP avait commencé, le 13 février 2018, à 18 ans.
Ce triomphe lui a permis de consolider sa neuvième place au classement mondial et de prendre une avance de près de 600 points sur l’Italien Jannik Sinner, au dixième échelon. Qui plus est, il s’est maintenu à une cinquantaine de points du huitième, le Norvégien Casper Ruud, qui a remporté le tournoi sur terre battue de Buenos Aires aux dépens du favori local, Diego Schwartzman.
C’est le temps de sortir ce cliché de circonstance.
« Et c’est loin d’être terminé ! »
Notre fierté nationale aura assurément d’autres occasions de célébrer, peu importe l’importance du tournoi ou le pays où il est présenté.
Le mois de l’Histoire des Noirs
Félix Auger-Aliassime, même avant la conquête de son premier titre en carrière, fait partie de cette nouvelle génération d’athlètes noirs qui reprennent — et portent bien haut — le flambeau allumé il y a des décennies par les Althea Gibson et Arthur Ashe, au tennis.
Entre lui, Coco Gauff, Francis Tiafoe et les légendes précédemment nommées, il y a eu, bien sûr, les périodes transitoires des sœurs Venus et Serena Williams, Sloane Stephens et Naomi Osaka.
Et, pour Félix, comment ne pas souligner le fait qu’en plus de cette réalisation unique et la fin d’une disette harassante qui prenait fin, ce premier titre ATP est survenu en plein milieu du mois de février. Car février est le Mois de l’Histoire des Noirs.
Depuis 1976, on a dédié ce mois à la célébration de la présence, des prestations et de la contribution, à leurs différentes communautés, de tous les Noirs incluant bien sûr ceux du sport professionnel, modèles de la jeunesse.
Cette commémoration annuelle de l’histoire de la diaspora africaine a été instituée il y a plus de 45 ans par le président des États-Unis Gerald Ford. Cette célébration a été suivie depuis par le Royaume-Uni (1987) et le Canada (1995) puis, plus récemment, par l’Irlande, la France et sept pays d’Afrique.
Le monde du sport a servi de levier pour aider à abattre bien des barrières raciales, il y a plusieurs décennies. Qu’il suffise de mentionner le double médaillé d’or des Jeux de Berlin, Jesse Owens, ou encore le baseballeur Jackie Robinson. Aujourd’hui, les ligues nord-
américaines de sport collectif mettent l’accent sur la contribution des athlètes de couleur au tissu social de leurs communautés.
Notre pays n’est pas exempt de modèles à ce sujet et Tennis Canada le souligne dans les pages de son site internet, en commençant par son plus récent membre du Top 10 mondial, Félix Auger-Aliassime.
Voici, hormis Félix, une liste des personnalités marquantes du tennis, chez les Noirs, au fil des décennies. Une liste non chronologique, mais selon leur importance et leur impact dans le tennis et, bien sûr, selon le sujet de ce texte.
1- Arthur Ashe
2- Althea Gibson
3- Serena & Venus Williams
4- Naomi Osaka
5- Sloane Stephens
6- Yannick Noah
7- Jo-Wilfried Tsonga
8 – Gaël Monfils
9 – Lori McNeil
10- Madison Keys
11- Zina Garrison
12- Chanda Rubin
13- MaliVai Washington
14- Cory « Coco » Gauff
15- James Blake
16- Frances Tiafoe
17- Katrina Adams
18- Asia Muhammad
19- Dustin Brown
20- Ronald Agénor
21-George Stewart
Quant à ce 21e nom sur la liste, vous n’aviez peut-être jamais entendu parler de lui. Moi non plus. Mais en faisant de la recherche sur le mois de l’Histoire des Noirs, j’ai trouvé cette information qui m’a porté à l’ajouter aux autres. Bien sûr, cette liste aurait pu être beaucoup plus longue…
Et pour plus, beaucoup plus de notes et mentions, je vous invite à taper le mot-clic #BlackHistoryMonth sur Twitter ou dans votre moteur de recherche préféré. Non seulement le compte de @TennisCanada y a publié de nombreuses capsules, mais des tas d’autres médias et entreprises reliées au monde du tennis l’ont fait.
Sur la scène mondiale, vous les trouverez tous sur ce site du Tennis Hall of Fame.
Hors du tennis, la nomenclature des vedettes noires qui ont inspiré le monde serait impressionnante. Et vous en connaissez sûrement une bonne partie.
Je préfère vous laisser sur ce montage de trois minutes et demie, produit par Sporting News et qui met l’accent sur celles et ceux qu’on peut appeler les « Pionniers Noirs ».
Inspirant.
Au pays des géants… serveurs
Ici, il est question de deux de ces géants. Ceux qui s’affrontent plutôt souvent depuis quelques années, compatriotes de surcroit.
Samedi, à Dallas, John Isner et Reilly Opelka faisaient les frais de la demi-finale de ce tournoi du Circuit 250 de l’ATP. Chez eux, ils se sont livré une bataille typique de bazookas au service. Comme les précédentes d’ailleurs.
Point de record, malgré tout, pour le nombre d’as, mais une nouvelle marque dans le plus récent des nombreux jeux décisifs qu’ils se livrent fidèlement depuis le début de leurs duels.
Celui de la troisième manche, remporté par le plus jeune des deux, a nécessité un total de 46 points. Oui, Opelka l’a remporté 24-22, une nouvelle marque depuis la création de l’ATP en 1990.
Depuis 2016, ces deux canons se sont affrontés cinq fois. Isner a remporté la première confrontation, en demi-finale du tournoi d’Atlanta, 6-7 (5), 6-4, 6-2. C’était le match le moins serré du lot et dans lequel le vétéran de 2,08 m avait brisé son jeune dauphin à trois reprises. Par la suite, il n’y a pas eu de bris de service lors des quatre duels suivants remportés par Opelka (2,11 m) — trois fois en 2019 (Melbourne, New York et Atlanta), puis à Dallas, le 12 février dernier. Dans ces quatre affrontements, il y a eu 12 manches, toutes décidées au jeu décisif. TOUTES.
Et j’arrive à votre prochaine question : combien d’as ?
329 en 5 matchs.
Ça fait 66 par match.
Ça fait 33 par joueur ! Par match !!!
D’où ce surnom « serve bots » dont on a affublé les deux athlètes.
Le terme « Servbot », ou « Kobun », en japonais, existe toutefois depuis bien plus longtemps que les Raonic, Karlovic, Isner ou Opelka. Les « Servobots », sont des personnages de bandes dessinées apparus pour la première fois en 1997 dans une série nommée « Mega Man Legends ». Des robots sensibles, capables de sensations et d’émotion, et toujours loyaux à leurs maîtres.
Cette référence étant faite, on devine qu’il n’y a aucune connotation entre « Servbot » et « Serve bots », en l’occurrence nos deux sympathiques géants américains. L’expression reliée au tennis relevant surtout d’une épithète un peu péjorative.
Bien sûr, les échanges sont moins longs puisque les receveurs peinent à retourner les services. Quand ils les retournent. Mais on a appris à apprécier la qualité du jeu d’ensemble des deux hommes, tout comme celui des autres puissants serveurs du circuit tels les Cilic, Bublik, Medvedev et, tout récemment l’Américain Maxime Cressy.
En ce qui concerne les deux principaux intéressés, rassurez-vous, ils préfèrent en rire. « Très franchement, Isner et moi faisons des blagues là-dessus. Bien sûr, je laisse aux médias le soin d’inventer de tel mot ou de telle expression, peu importe. On rit de ça », déclarait Opelka, l’été dernier à Toronto, après une victoire aux dépens de l’Espagnol Roberto Bautista Agut suivie du traditionnel autographe « Servebot » sur la lentille d’un caméraman.
Ajoutant qu’il fallait plus que des services canons pour atteindre deux fois de suite les demi-finales de tournois Masters 1000 (Rome et Toronto 2021).
Cela dit, préparez-vous, ce n’est plus de la science-fiction.
Le futur de notre planète (tennis) sera peut-être dominé par des… robots.
Courriel : privard@tenniscanada.com
Twitter : @paul6rivard
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