Photo: Peter Staples/ATP Tour
Même si plusieurs jours se sont écoulés depuis la victoire phénoménale du Canada à la Coupe ATP, je dois absolument revenir sur ce moment historique pour notre pays.
Vous retrouverez tous les détails des différents matchs sur ce site, mais je ne puis m’empêcher de vous parler de ce duo qui nous a fait vibrer depuis leur adolescence et qui, indubitablement, continuera de nous faire passer des heures devant nos écrans pour des années à venir.
Ce premier titre dans des compétitions internationales par équipe ne peut se décrire autrement que par ce cliché surutilisé, mais toujours valide. Surtout en sport.
Le travail d’équipe
Lorsqu’on revient sur chacune des confrontations disputées par les nôtres à Sydney, un tel parcours a pu se faire simplement parce que chacun des deux éléments de la paire canadienne a pris l’initiative, tout en compensant pour les passages à vide de sa contrepartie. Ou en dupliquant l’excellente performance de son vis-à-vis.
1re rencontre (une défaite de 3-0 contre les États-Unis) : Denis Shapovalov, qui se remet encore de son épisode de COVID-19, ne dispute pas le simple et est remplacé par Brayden Schnur. Félix Auger-Aliassime livre un excellent match de simple face à Taylor Fritz et les deux compères s’inclinent dans le double contre Fritz et John Isner. Avantage Félix.
2e rencontre (une victoire à l’arraché de 2-1 contre la Grande-Bretagne) : Shapovalov offre une belle opposition à Dan Evans, mais n’a vraisemblablement pas encore retrouvé ses marques. Félix sauve les meubles grâce à une belle victoire contre le 12e mondial, Cameron Norrie. Et ensemble, ils battent le duo formé de Jamie Murray et de John Salisbury. Avantage Félix, mais Denis s’en vient.
3e rencontre (une victoire de 2-1 contre l’Allemagne) : Denis produit une belle performance face à l’une de ses bêtes noires, Jan-Lennard Struff, et conforte l’atmosphère pour son ami Félix qui signe un gain aux dépens du 3e mondial, Alexander Zverev — c’est sa meilleure victoire à date en termes de classement. Contribution majeure des deux.
4e rencontre (une victoire à l’arraché de 2-1 contre la Russie, 2-1) : Denis résiste à la nouvelle coqueluche de l’ATP, Roman Safiullin, dans un vrai « thriller ». Par la suite, après un excellent départ, Félix s’écroule face au métronome Daniil Medvedev. Dans le double décisif face au tandem Safiullin-Medvedev, Shapovalov prend le match sur ses épaules après un début chancelant de Félix, tout en ramenant son ami dans le match pour signer une victoire spectaculaire. Avantage Denis.
5e rencontre (une victoire de 2-0 contre l’Espagne) : Denis sort un autre grand match contre un rival de longue date, Pablo Carreno Busta, en deux manches. Puis, pour la deuxième fois en quelques mois, Félix orchestre une victoire contre un des plus efficaces métronomes du tennis, Roberto Bautista Agut. Contribution majeure des deux.
Après avoir perdu les quatre premiers matchs du tournoi, ils ont remporté six des huit derniers. Pendant qu’Auger-Aliassime, le joueur le mieux classé des deux, affrontait ses vis-à-vis des autres pays, Shapovalov retrouvait ses marques et s’assurait de donner une avance de 1-0 à son copain, chaque fois, dans les trois derniers tours de la compétition. Lorsque Félix a connu une mauvaise journée, Denis a pris le flambeau et conduit son coéquipier — et son pays — à la grande finale.
Et rendus là, ils ont brillé de mille feux. Tous les deux.
Le site Web de la Coupe ATP ne pouvait mieux titrer le parcours de nos deux jeunes chevaliers : « De survivants à champions du monde ».
En entrevue avec La Presse, le responsable de l’élite masculine à Tennis Canada, Guillaume Marx, a insisté sur l’importance du lien qui les unit.
« Une des choses qui a fait la différence, c’est la volonté qu’ils avaient de jouer ensemble. »
Même son de cloche du vice-président de Tennis Canada, Eugène Lapierre. « Ça n’arriverait pas si ce n’était pas deux personnes qui s’entendaient bien », soulignait-il à La Presse.
« Oui, ils s’amusent, ils s’aiment bien. Mais ça reste que c’est un sport individuel et quand ils se rencontrent les deux sur un même terrain l’un contre l’autre, ils ne se donnent absolument rien. Dans une rencontre d’équipe, quand Félix a perdu son match et qu’il a vu que l’autre avait gagné son match, ça peut créer des tensions. […] La pression peut venir de toutes les façons possibles. Mais eux font abstraction de ça et ils se sont appuyés. »
À chaque exploit collectif, la chimie, la complicité et l’amitié les enveloppent et les transportent. Et ce, depuis une décennie. Visiblement, c’est loin d’être terminé.
Attendons-nous à voir un producteur créer un documentaire sur ce duo dynamique. Car ils en méritent un. Et bientôt, qui plus est.
Ils sont beaux à voir. Et ça dure depuis plus de 10 ans.
Vraiment, une belle histoire !
Une deuxième Cendrillon russe ?
Une (autre) étoile russe est née en début d’année.
Le début de l’année 2021 a vu Aslan Karatsev, pratiquement inconnu à ce moment, émerger des profondeurs du classement. Un an plus tard, c’est un autre diable qui sort de la boîte pour ajouter une remarquable profondeur à la représentation russe sur la scène internationale.
Il s’appelle Roman Safiullin, et vous n’en aviez que très peu — ou pas du tout — entendu parler avant le 1er janvier. Il n’a participé à la Coupe ATP qu’en raison des absences de ses compatriotes Andrey Rublev, Karen Khachanov et Karatsev. Ce modeste 167e joueur à l’ATP a fait sourciller le monde du tennis en remportant d’étonnantes victoires et il a conclu son expérience en compilant un dossier de 2-2 en simple et de 3-1 en double.
En demi-finale, contre le Canada, il a donné la frousse à un Denis Shapovalov en pleine possession de ses moyens, et est même passé à quelques points de remporter le double décisif.
On parle ici d’un joueur qui évolue surtout sur le Circuit Challenger et qui n’avait remporté que 18 de ses 39 matchs en 2021.
On parle aussi d’un joueur qui n’avait récolté que 400 000 $ au cours des SIX dernières années et qui vient d’empocher plus de 100 000 $ pour sa présence en demi-finale à la Coupe ATP. Il a même emprunté les shorts de son coéquipier vedette Daniil Medvedev au cours du tournoi ! Ça donne une idée de cette semaine de rêve, pour lui, à Sydney.
Lorsque Denis Shapovalov a disputé le match initial de la demi-finale Canada-Russie, j’ai enfin pu voir à l’œuvre ce Safiullin. Et j’ai compris pourquoi tant de joueurs avaient frappé un mur.
Ultimement, si Safiullin peut s’appuyer sur la confiance que lui ont procurée ces victoires à la Coupe ATP, il continuera de progresser au classement, comme son compatriote Aslan Karatsev l’a fait l’an dernier.
Rappelons que Karatsev était 114e mondial le 7 février. Son émergence aux Internationaux d’Australie (demi-finale) puis un titre au tournoi ATP 500 de Dubaï l’ont fait grimper au 27e rang, un gain de 87 places en seulement six semaines. Il a même atteint le 15e échelon en novembre dernier.
Quant à Safiullin, il est assuré de passer du 167e au 146e rang, en hausse de 21.
Oui, pour la deuxième année de suite, une deuxième Cendrillon russe a obtenu une invitation au grand bal de l’ATP.
Courriel : privard@tenniscanada.com
Twitter : @paul6rivard
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