Je déteste cet exercice.
Je l’ai mentionné immédiatement à Mme Valérie Tétreault, directrice des communications de Tennis Canada, lorsqu’est venu le temps de voter pour les différentes catégories au jeu des prédictions en vue de Roland-Garros.
Et pourtant, dès le lendemain de cette proposition, je lui envoyais un tableau rempli des gagnants et gagnantes de tous les matchs sur les sept tours des tableaux de simple féminin et masculin.
Comme quoi, au fond, ça reste excitant de tester nos connaissances du jeu, des athlètes et des conditions. De tenter de prouver qu’on est le meilleur.
Mais aussi, le plus souvent, de démontrer qu’on n’a pas la fibre du devin, du sorcier, de l’augure ou du prédicateur. Et que l’exercice en est un de grande, grande humilité.
Comme prévu, les lendemains de tournois sont pénibles pour nous, prophètes du dimanche. Mais je tiens à assumer le risque inhérent aux pronostics, et c’est pourquoi je rédige ce texte afin, d’une part, de rendre hommage à celles et ceux qui ont fait de bonnes prédictions et, d’autre part, pour l’autodérision envers celui que je vois dans le miroir et qui a fait patate.
Commençons par moi, puisque je dois être le pire du groupe.
Mes seules réussites concernent Félix Auger-Aliassime et Iga Swiatek. Je n’ai pas beaucoup de mérite à avoir misé sur la Polonaise pour le titre du simple féminin, puisque TOUS les participants ont fait le même choix… d’une logique quasi inébranlable.
Chez les hommes, seul Ben Lewis, du balado « Match Point Canada » a misé sur le futur gagnant du simple, Rafael Nadal. Respect pour Ben qui, outre les deux champions, avait également bien deviné qui serait la carte cachée du tableau féminin en nommant Cori « Coco » Gauff. Je lui lève mon chapeau deux fois.
D’ailleurs, cette carte cachée (ou « dark horse » en anglais) est une catégorie fourre-tout où on pourrait insérer l’athlète qui ne fait pas partie des têtes de série à se rendre le plus loin. Résumons en l’appelant la surprise » du tournoi.
Et pour désigner qui sera la « surprise », il faut remplir tout le tableau pour évaluer qui, selon la saison qu’elle connaît ainsi que les adversaires sur son passage peuvent lui permettre d’aller le plus loin possible.
À ce chapitre, félicitations à l’ex-joueuse, maintenant entraîneuse de Tennis Canada, Marie-Ève Pelletier, et à Hugues Léger qui ont misé sur le jeune Danois Holger Rune dans l’une ou l’autre des catégories de « surprise ». Rune a atteint les quarts de finale avant de s’incliner devant le futur finaliste, Casper Ruud.
Chez les Canadiens, on a pu constater que le nombre de votes pour Bianca Andreescu trahissait un grand espoir pour son retour à la forme. Mais son tournoi s’est arrêté plus tôt que nous l’aurions espéré. Et le choix de Félix Auger-Aliassime a été le bon en ce qui concerne le Canadien qui allait se rendre le plus loin en simple.
Une mention honorable à Mark Masters qui a inscrit le nom de Gabriela Dabrowski, car cette dernière a effectivement connu le plus long parcours en atteignant la demi-finale du double mixte. Mark avait également choisi Swiatek et Gauff dans leurs catégories respectives.
Nos boules de cristal n’auront pas le temps de prendre la poussière puisque dans moins de 20 jours, le prochain tournoi majeur pointe déjà à l’horizon. Je crains déjà le moment où Valérie nous enverra son courriel pour connaître nos sélections.
Mais j’ai déjà hâte, aussi.
Car c’est un exercice ludique et… gratuit (heureusement).
L’increvable et l’Invincible
Par où commencer ?
Madame d’abord ? Avec ses six titres de suite et 35 victoires consécutives ?
Ou monsieur ? Avec son 14e titre à Roland-Garros, son 22e en tournois du Grand Chelem, à 36 ans ?
Difficile, mais la jeune et époustouflante Iga Swiatek, invincible conquérante du tennis féminin depuis près de QUATRE mois, ne pourra être offusquée de laisser d’abord la place à son idole de jeunesse et joueur le plus âgé à avoir triomphé à Paris.
L’INCREVABLE
Car, de tous les aspects de cette (autre) victoire de Rafael Nadal, l’âge et la force physique du Majorquin demeurent un élément aussi spectaculaire qu’improbable. Dans ce marécage infesté de jeunes crocodiles en espadrilles, Nadal survit et leur sert l’ultime leçon du « Taureau de Manacor ».
Son dossier de 112-3 à la porte d’Auteuil reste évidemment un impensable record, tout comme ses 14 triomphes à Paris. En effet, dans la liste des records imbattables de l’histoire, tous sports confondus, ces 14 titres aux Internationaux de France font partie de ceux qui vous bousillent le cerveau. Et qui ne seront effectivement jamais battus.
En passant, jetez un coup d’œil au segment que j’avais consacré à ce sujet en mai 2021. Nadal était déjà nommé dans cette nomenclature de records imbattables.
Bien sûr, il ne faut pas oublier qu’il s’agit également d’un 22e titre en tournois du Grand Chelem, en avance de deux sur les deux autres légendes du « Big 3 », Novak Djokovic et Roger Federer.
Outre la question sur son état de santé, celle qui nous vrille le cerveau concerne sa détermination à toute épreuve. Peu importe l’adversaire et peu importe à quelle situation désespérée il fait face, le diable d’homme trouve presque toujours un moyen de l’emporter dans ce stade.
L’INVINCIBLE
Comme bien d’autres sur les circuits féminin et masculin, Iga Swiatek a grandi en idolâtrant Nadal. Et heureusement pour elle — et contrairement à Ruud, finaliste malheureux cette année — elle n’a pas eu à l’affronter sur un terrain.
Cela dit, elle a probablement mis à profit la philosophie de l’Espagnol à la suite d’une rencontre fortuite, un an plus tôt, au même endroit. (En anglais seulement)
Swiatek vient de passer à travers le tableau de RG tel un rouleau compresseur. Seule une inconnue, la Chinoise de 19 ans Qinwen Zheng (74e), a réussi à lui arracher une manche, un affront qu’elle a ensuite payé très cher (6-0 et 6-2). Car, si on met de côté cette seule manche (7-6) cédée à une adversaire, la Polonaise n’a rien donné aux autres. Outre un 7-5 à Danka Kovinic au 3e tour, il ne restait que des miettes pour ses rivales qui, sur 14 manches, n’ont jamais réussi à remporter plus de trois jeux dans la même manche.
Et c’est là que les statistiques de Iga Swiatek s’avèrent épeurantes. Si nous décortiquons le tout, en 2022, elle a disputé 47 matchs… fiche de 44-3. Depuis sa défaite aux mains de Jelena Ostapenko à Dubaï, le 16 février, elle a remporté les 35 derniers, y compris deux victoires à la Coupe Billie Jean King alors qu’elle n’a cédé qu’un seul jeu en… QUATRE manches !
35 victoires consécutives, c’est la plus longue séquence au 21e siècle, depuis que Venus Williams a réalisé l’exploit en 2000. Même si ce n’est pas suffisant pour lui faire intégrer le Top 10 du genre (il y a eu des Navratilova, Evert et Graf au 20e siècle…), elle pourrait intégrer ce groupe sélect advenant qu’elle atteigne le chiffre de 41 gains d’affilée.
Et si on creuse un peu plus loin, on trouve des statistiques plutôt effarantes dans la façon que l’athlète de 21 ans d’écarter ses adversaires.
En 2022, elle a disputé 104 manches, elle en a perdu 14. Et sur les 90 manches gagnées, elle ne s’est rendue à 7-5 que trois fois et à 7-6 que quatre fois. Et, comble de malheur pour les joueuses de l’autre côté du filet, Swiatek leur a servi l’affront du fameux bagel à 16 REPRISES.
Elle n’a certes pas fini de faire gonfler ces statistiques.
Plus que jamais, le chiffre « 1 » peut remplacer logiquement la lettre « I » de son prénom, car elle justifie parfaitement son premier rang mondial.
En conclusion, lorsqu’on regarde Nadal et Swiatek, on ne peut s’empêcher d’y voir des similitudes dans leur capacité de rester concentrés sur l’objectif quoiqu’il arrive.
Et, fait non négligeable, cet ascendant que les deux ont sur leurs rivaux. Rafa et Iga leur jouent dans la tête et même dans un mauvais jour, ils peuvent réussir à s’en tirer. Ou encore, l’adversaire semble incapable de jouer à la mesure de ses possibilités comme l’a démontré le rendement très moyen de l’excellent Ruud, un joueur en pleine ascension dans le Top 10.
Il n’y a que cinq mois d’écoulés en 2022, mais déjà, on peut dire qu’Iga et Rafa viennent de prendre une sérieuse option sur les titres de joueuse/joueur de l’année.
D’autre part, doit-on songer qu’il pourrait s’agir d’un chant du cygne pour Nadal ? Jouer un tournoi complet sur des injections visant à désensibiliser un pied gauche aux prises avec des douleurs chroniques n’est pas un « projet de vie », comme l’a dit le champion en conférence de presse.
Et l’heure de la retraite pourrait sonner dès cette année, craignent bien des connaisseurs et des supporters.
Cela dit, d’autres s’amusent à penser que le « Roi de la terre battue » sera encore là dans 30 ans… Voilà donc une façon plus heureuse de conclure ce texte.
Séparés à la naissance (4)
Celui de gauche est une étoile montante du tennis professionnel.
Celui de droite a déjà été une étoile montante, mais a ensuite refusé de descendre de son piédestal après avoir dominé le ski acrobatique pendant toute une décennie, ce qu’il continue de faire.
En regardant jouer le Danois Holger Rune à Roland-Garros, je ne pouvais m’empêcher de voir une similitude avec le plus grand skieur de bosses de l’histoire de ce sport, le Québécois Mikael Kingsbury.
Suffisamment pour les intégrer dans ma galerie de « Séparés à la naissance », cette association de joueurs de tennis ayant une certaine ressemblance (sinon une ressemblance certaine) avec d’autres personnalités du monde du sport ou du spectacle.
Courriel : privard@tenniscanada.com
Twitter : @paul6rivard
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