Photo : Laver Cup
Boston accueillait la Coupe Laver, le week-end du 24 au 26 septembre.
Le TD Garden de Boston a été le théâtre de cette quatrième édition, après Prague (2017), Chicago (2018) et Genève (2019).
Compte tenu de la brochette d’étoiles présente à ce rendez-vous annuel et du format aussi spectaculaire qu’efficace et populaire, je reviens sur la compétition de trois jours et sur nos deux fleurons du tennis canadien, Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov, qui ont participé à la moitié des dix matchs au programme.
Les Canadiens de… Boston
Ce qui ne pourrait exister dans la Ligue nationale de hockey s’est toutefois bien produit dans le monde du tennis, dans l’antre des Bruins, à l’occasion de la quatrième édition de la Coupe Laver.
Les deux Canadiens, membres de l’équipe « Monde », Félix et Denis, respectivement 11e et 12e à l’ATP, étaient les joueurs les mieux classés du tennis mondial au sein de la formation en rouge.
Comment ne pas être fiers ?
Dans le texte suivant, je vous expliquerai pourquoi je suis un fan inconditionnel de cet excitant tournoi de trois jours, créé en 2017. Mais pour l’instant, revivons donc chacune des présences de nos deux jeunes prodiges dans l’équipe du capitaine John McEnroe.
Jour 1 : Félix contre Matteo
Deux jeunes de la relève, deux rivaux, mais aussi, deux amis.
Leur confrontation, au Jour 1 du tournoi, s’est avérée un « Absolute thriller! », comme disent les anglophones.
Au terme du plus long match de la courte histoire de la Coupe Laver (et de loin) — 2 h 54 —, Auger-Aliassime a finalement capitulé 6-7 (3), 7-5 et 10-8 dans une bagarre marquée d’échanges spectaculaires.
Félix a alterné les bons points et les moins bons dans cette rencontre, mais Berrettini également. Et, n’est-ce pas souvent comme ça pour les deux belligérants, lors de matchs extrêmement serrés ?
Félix a dominé au chapitre des aces (9-7), mais aussi à celui des doubles fautes (6-2). Félix a obtenu le plus de balles de bris (13), mais n’en a concrétisé qu’une seule. Félix a obtenu sept balles de manche avant de finalement remporter la première, tandis que dans le deuxième acte, Berettini a conclu à la première occasion, tout comme il l’a fait dès sa première balle de match.
Cette difficulté à tirer profit de ses balles de bris et balles de manche a fait dire à McEnroe, sourire en coin, après la première manche : « Tu sais, Félix, quand tu sers à 5-3, avec deux balles de manche, si tu veux gagner tout de suite et faire 6-3, pas de problème. »
Cela dit, et même s’il s’agit d’un tournoi « d’exhibition », l’aspect de l’équipe entre en ligne de compte et ajoute de la pression. Et dans ces circonstances, malgré la défaite, c’est un des grands matchs auquel j’ai assisté de la part du Québécois et il m’a fortement impressionné. Combiné aux prestations de son été 2021, on le sent sur une lancée.
Jour 1 : Denis & John contre Matteo & Sasha
Ce premier match de double avait la particularité de réunir les deux seuls joueurs de l’ATP ayant la même routine particulière précédant leurs services, soit ce petit rebond d’arrière vers l’avant entre les jambes.
Il a également permis aux « rouges » d’éviter d’être balayés à l’issue de la journée initiale, alors que le duo formé de Denis Shapovalov et de John Isner a effectué une poussée irrésistible en fin de match. En remportant 17 des 20 derniers points de ce duel, ils ont soutiré la victoire à la paire formée de Matteo Berrettini et d’Alexander « Sasha » Zverev, 4-6, 7-6 (2) et 10-1.
Si notre compatriote a connu une mauvaise journée au bureau, il a été tiré vers le haut par son coéquipier format géant. Isner, un des deux « servebots » (robots producteurs d’aces) américains, comme on les surnomme dans le monde du tennis, s’est plutôt transformé en « returnbot », aux dires d’un Shapovalov soulagé dans l’entrevue d’après-match, alors que le jeune Canadien rendait un vibrant hommage à son vétéran collègue qui était littéralement en feu lors de ce duel.
Jour 2 : Denis contre Daniil
Daniil Medvedev est numéro 2 mondial et champion en titre des Internationaux des États-Unis. Denis Shapovalov est 12e à l’ATP et il devait absolument être au sommet de son art tout en espérant que Medvedev soit un peu rouillé à son premier match depuis la conquête de N.Y.
Ce n’est malheureusement pas ce qui s’est produit, ni d’un côté… ni de l’autre.
Tenant difficilement le coup, le barrage canadien a finalement cédé après sept jeux (4-3), laissant le torrent russe s’engouffrer dans la brèche. Medvedev a remporté les… NEUF jeux suivants en route vers une victoire de 6-4, 6-0, solidifiant une deuxième journée où l’Europe a tout gagné pour se construire une avance insurmontable de 11-1.
Jour 3 : Denis & Reilly contre Andrey & Sasha
Encore une fois, Denis disputait un match de double avec un géant américain, plus grand d’un pouce par rapport au précédent. En compagnie de Reilly Opelka, et après une première manche pénible, le Canadien et son compagnon ont réussi à ramener un mince espoir dans les gradins en disputant une bonne deuxième manche pour enlever le jeu décisif et forcer la tenue d’un super bris.
Mais le duo « ShapOpelka » est toutefois passé à côté de cette strophe finale et la logique a été respectée par cette victoire de 6-2, 6-7 (4) et 10-2 de Zverev et Rublev.
Cette défaite confirmait également celle de l’équipe « Monde » dans ce qui fut une édition à sens unique et la pire humiliation des quatre années de compétitions. Avec une avance de 14 à 1 (13 points suffisant à confirmer le titre), on a immédiatement procédé à la remise du trophée et aux discours de circonstance.
Jour 3 : Félix & Diego contre Casper & Daniil
Ce match sans signification ne visait qu’à prolonger le plaisir des détenteurs de billets. Mais en bons professionnels, et sans autre pression que celle de livrer un produit divertissant, Félix et Diego leur en ont donné pour leur argent, tout comme leurs opposants.
Un pur bijou d’exhibition. Du bonbon !
Libérés du poids de la victoire à tout prix, Ruud, Medvedev, Schwartzman et Auger-Aliassime ont livré aux amateurs un cadeau inestimable. Une démonstration de talent, de réflexes et de qualités athlétiques doublée d’un sens du spectacle, de communion avec le public et de générosité mutuelle.
Qu’il s’agisse d’une demi-volée de Félix, la tête tournée dans une autre direction que celle où il a envoyé la balle (« no look shot ») pour un coup gagnant, devant un Medvedev sidéré… ou encore de la démonstration de soccer de Schwartzman qui a fait rebondir la balle sur ses pieds une bonne douzaine de fois, pour le plus grand plaisir de la foule (ici : salutation symbolique à un autre Diego, décédé celui-là, et qui fut la plus grande star sportive de l’histoire de l’Argentine).
Ultimement, j’ai découvert un Félix que je n’avais encore jamais vu. À ce jeune homme discipliné, génial et bien élevé s’est ajouté un artiste capable d’improviser, de séduire et de divertir à volonté pour s’adapter au style de jeu.
Ce gars-là a décidément tout pour se faire inviter longtemps à ce genre d’événement où son sport peut servir de grandes causes. À 21 ans seulement, il en est un superbe ambassadeur. Tout comme l’autre de sa catégorie, né la même date que lui, 19 ans auparavant.
Un certain Roger…
J’aime la Coupe Laver
Je l’ai souvent mentionné sur les réseaux sociaux (sans avoir reçu des puristes les invitations d’usage aux éternels débats). Je persiste et signe !
La Coupe Laver est, pour moi, la compétition de tennis la plus divertissante de l’année, peu importe le prestige des autres.
Tout y est.
Des tas de vedettes au pied carré… souvent réunies sur un banc, excitées ou hilares. Un enrobage moderne (court de couleur charbon, pénombre dans les gradins, joueurs éclatants de rouge et de bleu sur fond sombre, matchs à la durée limitée) et un système de pointage évolutif permettant aux négligés un retour possible en dernière journée pour combler un retard.
Le tennis n’est pas différent des autres sports. Il y a des puristes, il y a des profanes et, entre les deux, il y a des gens qui apprécient et qui s’y intéressent à certaines conditions.
Contrairement aux sports collectifs, le tennis (comme le golf et d’autres sports individuels) n’a pas de match des étoiles, une réunion où vous voyez, dans le même tournoi, les meilleurs.
Au golf, toutefois, il y a ces rendez-vous cycliques telles les Coupe Ryder (également disputée le week-end dernier et où se sont les Européens qui ont subi une gênante raclée) et Coupe des Présidents qui divisent le monde en deux pour offrir une confrontation opposant les étoiles de ce sport.
Et c’est sur ce modèle que Roger Federer et Tony Godsick, son ami et partenaire d’affaires, ont calqué la Coupe Laver, lancée il y a quatre ans.
L’Europe contre le Monde.
Dans ce tournoi à la ronde — et non à élimination directe comme dans tous les tournois de tennis existants — la rotation se fait au niveau de l’utilisation des joueurs à tour de rôle, ou en mélangeant les équipes de double.
Et surtout, SURTOUT, c’est une demi-exhibition.
Car voilà un autre élément qui plaît à tous, même à beaucoup de puristes. Il y a ce côté ludique, particulièrement caractérisé par les échanges entre coéquipiers et possibles entrevues lors des pauses de changements de côtés. Mais également l’amour propre de ces surdoués qui, de surcroit, veulent l’emporter pour l’équipe.
Je n’oublierai jamais ce dernier match de l’édition 2017 alors qu’un Nick Kyrgios, réputé pour être un mercenaire sans cause, se mettre à pleurer après sa défaite serrée face à Roger Federer, alors qu’il venait de passer à un cheveu (super bris à 11-9) d’égaler le pointage du week-end à 12-12 pour forcer la tenue d’un match décisif.
Une demi-exhibition ou, si vous préférez, le meilleur des deux mondes.
La suite ?
Bien entendu, les immortels ne sont pas éternels. Sur le court, on s’entend.
Et l’absence du « Big 3 », à Boston, n’est pas sans nous faire penser à la question qui tue. Cet événement pourra-t-il survivre sans la présence sur le terrain de son créateur Roger Federer ou des deux autres icônes, Rafael Nadal et Novak Djokovic, qui règnent presque sans partage sur le tennis depuis 20 ans ?
L’un des trois (ou les trois) sera peut-être là, à Londres, pour l’édition 2022, mais pour encore combien de temps ? Quelles sont les chances de pérennité du tournoi ?
C’est d’ailleurs la question que se sont posée bien des médias à quelques heures du début de la compétition, le vendredi 24 septembre.
Car si Federer était des trois premières éditions (organisation oblige), Nadal et Djokovic ont alterné. En leur absence, la foule sera-t-elle là ? Un premier élément de réponse a été donné à Boston et l’ambiance a été formidable. Et ce, malgré les difficultés de leurs favoris à remporter des matchs.
Les chances de survie de ce tournoi résident dans la capacité du tennis de se renouveler avec les vedettes montantes et, surtout, desdites vedettes de prendre le flambeau.
Tout le monde sait de qui on parle lorsqu’on mentionne les prénoms Roger, Rafa, Novak. Dorénavant, les Daniil, Stefanos, Alexander, Andrey, Matteo, Casper et, bien sûr, Félix et Denis devront mettre les bouchées doubles pour prendre une place qui sera bientôt libre.
Et à cette condition, la Coupe Laver aura de l’avenir.
Car le talent est là.
Et la preuve en a été apportée avec cette quatrième victoire en autant d’éditions, par l’équipe en bleu. Même privée de trois de ses plus illustres porte-couleurs.
Courriel : privard@tenniscanada.com
Twitter : @paul6rivard
Pour suivre tous nos Canadiens à la trace, c’est ici.