Photo : US Open
Les tournois du Grand Chelem sont… « grands » par définition. Mais aussi parce que la plupart regorgent de péripéties, de coups spectaculaires, de statistiques et de grands moments.
Celui qui vient de prendre fin, à New York, n’échappe pas à la règle. Voici quelques éléments et événements qui ont retenu mon attention.
LE PROCHAIN
Cette photo me fascine.
Carlos Alcaraz semble être un super héros de bande dessinée exhalant une balle de tennis géante pour écraser tous les vilains sur son passage, d’un seul souffle dévastateur.
Et c’est un peu ce qui s’est produit au cours des deux dernières semaines… et au cours de l’année.
Le 11 septembre, il a écarté le futur deuxième joueur mondial, le Norvégien Casper Ruud, au terme d’une finale remportée 6-4, 2-6, 7-6 (1), 6-3. Ce faisant, il faisait coup double en s’adjugeant un premier titre du Grand Chelem et le premier rang mondial.
À 19 ans.
Cela étant dit, cette accession au trône du tennis masculin a réellement commencé au cours des deux dernières années alors que le jeune homme de Las Palmar (Murcie) y est allé d’une progression aussi régulière que fulgurante, concrétisant les énormes attentes que son potentiel exceptionnel avait créées.
Reportons-nous à la fin du mois d’août 2020, après la pause forcée par une pandémie. Il était alors 310e joueur mondial. Âgé de 17 ans et trois mois, Carlos Alcaraz a ensuite atteint la finale de quatre des cinq tournois Challengers auxquels il a participé et il en a gagné deux.
Il était parti pour de bon.
Les 24 mois suivants se regardent comme la coupe d’une ascension (éclair) du mont Everest.
Cette déclaration du demi-finaliste américain Frances Tiafoe au terme de sa défaite en cinq manches face à l’Espagnol illustre probablement l’ensemble de la pensée chez plusieurs rivaux de l’ATP
« Je n’ai jamais affronté un joueur qui bouge aussi bien que lui. C’est un damné joueur. Et il sera un problème pour une très longue période », d’avouer Tiafoe, encore étourdi par ce qu’il venait de vivre, quelques heures plus tôt, le 9 septembre.
Comme pour enfoncer le fer dans la plaie de Francis (et de beaucoup d’autres), le compatriote et entraîneur du surdoué — et ex-champion en Grand Chelem — Juan Carlos Ferrero en a rajouté à l’issue de cette victoire.
« Comme je le lui ai dit, je pense qu’il est à 60 % de ce qu’il peut faire, a-t-il déclaré devant des journalistes médusés. Il peut améliorer beaucoup de choses. »
Je ne sais pas si c’était vraiment le bon moment pour l’entraîneur de dire une telle chose. Devait-il en rajouter alors que le monde était déjà à court de mots devant une telle maestria ? D’un autre côté, s’il y a une personne qui connaît Alcaraz et qui sait jusqu’où il peut aller, c’est bien lui.
Et ça fait peur.
Ainsi, quelques jours après l’accession au trône d’un Charles III en Angleterre, le quotidien espagnol La Verdad a fait d’une pierre deux coups, lundi matin, en parlant de « son » nouveau roi, Carlos 1er.
En terminant — et pour être objectif — peut-on mettre en perspective ce titre d’Alcaraz en parlant des nombreux absents ?
Pour la première fois en près de 20 ans, aucun des membres du fameux « Big 3 » n’était des quarts de finale des Internationaux des États-Unis. Cette année, Rafael Nadal a fait son possible, mais son corps le laisse tomber lentement. Quant à Roger Federer, il est toujours en convalescence, tandis que Novak Djokovic rate des tournois parce qu’il refuse de se faire vacciner.
Quant au deuxième mondial, Alexander Zverev, sa blessure à la cheville lui a fait rater le tournoi.
Qui d’autre était absent ? Personne d’autre.
Tous les autres du Top 25 y étaient. Particulièrement ces autres jeunes et prometteurs qui forment l’élite actuelle. Ce qui, d’office, confirme la réussite du jeune Murcien.
Car cette « Next Gen », annoncée depuis cinq ans, a pris position dans le Top 10 et semble s’y plaire. Qui plus est, son plus jeune membre a décidé de les dépasser pour s’emparer du premier rang mondial.
Il n’a certes pas établi de record de précocité, comme les Michael Chang et Boris Becker — vainqueurs en Grand Chelem à l’âge de 17 ans —, mais voilà bien longtemps qu’on n’avait vu un jeune tennisman grimper les échelons aussi rapidement. Doté d’un sens du jeu et d’une créativité hors du commun, il pourrait régner longtemps.
LE POINT DU TOURNOI
Et puisqu’il est question d’Alcaraz, pourquoi ne pas vous offrir — si vous ne l’aviez pas vu passer — l’échange par excellence du tournoi ? Pas par sa longueur, mais bien en raison de l’incroyable réflexe qui lui a permis de remporter le point alors que son rival, Jannik Sinner, avait réussi à le déjouer par cette balle diriger derrière l’Espagnol.
Exceptionnel.
Ça finit tard. Trop tard.
Vous connaissiez mon opinion sur les matchs disputés au meilleur de cinq manches (3-de-5) ? Si vous ne l’avez lue à quelques reprises depuis 18 mois, je la répète ici : je crois qu’il faudrait les abolir.
Hormis les quelques scénarios hollywoodiens de retours épiques, la longueur de ces matchs est un non-sens pour les athlètes, les spectateurs, les organisateurs de tournois et les programmeurs de télévision. Le principe des 3-de-5 a plus d’inconvénients que d’avantages.
C’est tout… c’est aussi simple que ça. Et, svp, ne m’apportez pas la « tradition » comme argument.
La dernière édition de ces Internationaux américains n’a fait qu’apporter des preuves supplémentaires à mon opinion.
Prenons Carlos Alcaraz. Son match du 6 septembre l’opposant au vétéran Marin Cilic, a nécessité 3 h 56 min et s’est soldé par un triomphe de 6-4, 3-6, 6-4, 4-6 et 6-3. Mais, surtout, il s’est terminé à 2 h 23. Tout près du record du tournoi pour un match se terminant aux p’tites heures du matin.
Deux jours plus tard, cette fois contre un autre surdoué dans son genre, Jannik Sinner, c’est au terme d’une bagarre de 5 h 18 min que l’Espagnol a prévalu, sur un score de 6-3, 6-7 (7), 6-7 (0), 7-5 et 6-3. Et, cette fois, nouvelle marque de l’événement, le duel a pris fin à 2 h 50 !!!
C’est amusant pour le livre des records, mais un peu moins pour les milliers d’amateurs qui doivent rentrer à la maison, souvent en transport en commun, à une heure où leur sentiment de sécurité ne doit pas être au maximum… disons. Sans compter que leur amour du tennis, tant sur place qu’ailleurs dans le monde, aura handicapé leur nuit de sommeil et nui à leur rendement du lendemain matin.
Et il y aura toujours cette injustice relativement à des joueurs qui auront eu beaucoup moins de repos que leur rival du tour suivant. Par exemple, Alcaraz s’amenait en demi-finale face à un Frances Tiafoe dont la rencontre avait pris fin DIX heures avant la sienne. Malgré les deux jours de pause entre les matchs, Alcaraz était nettement désavantagé.
Et l’Américain le savait, ayant déclaré ceci, AVANT le duel Alcaraz-Sinner : « J’espère qu’ils disputeront un match marathon, un super long match, et que le vainqueur sera vraiment fatigué vendredi. »
Faut croire qu’Alcaraz n’était pas suffisamment épuisé et il a pu résister, lors de la demi-finale, face à un Américain littéralement galvanisé par le soutien de ses compatriotes, emplissant en majorité les quelque 22 000 sièges du stade Arthur-Ashe. Malgré tout, comme pour ajouter à sa légende, le jeune taureau espagnol a encore prévalu au bout d’un duel de 4 h 22 minutes.
Si on peut admirer ces athlètes pour la succession de telles performances, il reste que les matchs 3-de-5 présentent un réel problème de logistique et pour lequel il n’est pas facile de trouver une solution.
Ça demeure inacceptable qu’un joueur aille au lit à l’heure où le peuple prend son petit déjeuner. Car une fin de match à 2 h 50 du matin est obligatoirement suivie d’un retour au vestiaire, d’une séance de massothérapie et/ou d’un bain glacé pour aider à la récupération, d’une visite en salle de presse pour les entrevues, d’un retour à l’hôtel et d’un repas.
Ne devrait-on pas prévoir un seul match masculin en séance nocturne, dans les deux stades principaux ? Ce qui voudrait tout de même dire qu’on priverait les amateurs de tennis féminin de leurs favorites après souper. Et c’est ce que les organisateurs doivent éviter. Et il est impensable de faire disputer tous les matchs masculins en séance diurne pour la même raison.
Il faudra que les circuits WTA et ATP règlent ce problème récurrent, soit ces matchs qui commencent trop tard et, par conséquent, finissent à des heures impossibles. En 2018, Andy Murray avait dû déclarer forfait pour son quart de finale à Washington (face à Alex de Minaur) puisque son match précédent, gagné contre Marius Copil, s’était terminé à 3 h 01.
Mais il y a eu pire. Le record pour un match du Grand Chelem, tous tournois confondus est 4 h 33.
C’était en 2008, à Melbourne, quand l’Australien Lleyton Hewitt avait mis 4 h 45 min pour vaincre le Chypriote Marcos Baghdatis en cinq manches, alors que leur confrontation avait débuté à 23 h 48.
Dois-je rappeler qu’au tour suivant, Hewitt a été rapidement évincé en trois manches par le futur vainqueur du tournoi, Novak Djokovic qui, lui, était passé à travers ses trois premiers tours les mains dans les poches et sifflotant quelques airs serbes.
SWIATEK, ÉVIDEMMENT
Je crois que le consensus est établi.
Elle n’est pas invincible, mais elle ne perd pas souvent. Vraiment pas souvent.
Couronnée malgré elle lors du départ à la retraite d’Ashleigh Barty, Iga Swiatek a prouvé à la planète tennis qu’elle était la personne toute désignée pour hériter du trône féminin.
Et s’y installer pour longtemps.
En battant Ons Jabeur 6-2, 7-6 (5) en finale, la Polonaise de 21 ans met la main sur son 3e titre du Grand Chelem et consolide son emprise sur le trône de la WTA avec une avance impressionnante. Avec plus de 10 000 points, elle totalise plus de points que les détentrices des 2e (Jabeur) et 3e (Anett Kontaveit) réunies.
Seulement deux de ses sept matchs, à Flushing Meadows, ont nécessité trois manches. Et chaque fois, elle avait perdu la première manche pour ensuite faire payer à ses rivales leur outrecuidance.
En 2022, Iga présente un dossier de 55 victoires et 7 défaites.
En 14 tournois, elle a atteint la finale sept fois. Elle les a gagnées toutes les sept en plus d’obtenir ses six premiers titres consécutivement, entre le 22 février et le 4 juin.
Ajoutons à ça qu’elle a mené son pays à une victoire éclatante, à la Coupe BJK, en avril dernier. Elle a liquidé les deux Roumaines qui lui ont été opposées en ne cédant qu’un seul des 13 jeux disputés, au total.
Inclinons-nous tous devant Sa Majesté « IGA 1re »
Séparés à la naissance (6)
Pour conclure, voici ma plus récente édition du segment « Séparés à la naissance », consacré à ces personnalités du tennis qui montrent une certaine ressemblance avec d’autres personnes connues, que ce soit au tennis ou ailleurs.
Le flash est survenu le 2 septembre, lors d’un des matchs de ces Internationaux des États-Unis, entre l’Américain Tommy Paul et le Norvégien Casper Ruud.
Quand la caméra s’arrêtait sur des réactions de Paul, je me disais que ces yeux rieurs et ce quasi-sourire sous la moustache naissante me rappelaient ceux d’un être aussi sympathique que célèbre, l’astronaute canadien Chris Hadfield.
Et, comme une comparaison n’arrive jamais seule, les deux hommes peuvent être associés aux paroles d’une chanson Space Oddity du regretté David Bowie : « Ground Control… »
Courriel : privard@tenniscanada.com
Twitter : @paul6rivard
Pour suivre tous nos Canadiens à la trace, c’est ici.