Tout comme Félix.
Les projecteurs ont brillé de tous leurs feux sur deux jeunes Canadiens au troisième tour des Internationaux des États-Unis, vendredi soir, alors que Leylah Fernandez, 18 ans, disposait de Naomi Osaka en trois manches de 5-7, 7-6(2) et 6-4, et que Félix Félix Auger-Aliassime, 21 ans, remportait une victoire durement gagnée de 6-3, 6-4, 4-6, 3-6 et 6-4 contre Roberto Bautista Agut.
Évoluant l’un à côté de l’autre, Fernandez sur le Court Arthur Ashe et Auger-Aliassime sur le Court Louis Armstrong, les deux ont été les favoris de la foule — Fernandez gagnant progressivement les spectateurs avec son dynamisme et sa détermination surnaturels, et Auger-Aliassime obtenant leur soutien dès le début grâce à son charisme et son tennis énergique.
Les deux joueurs ont remercié les fidèles des Internationaux des États-Unis pour la façon dont ils les ont inspirés. « Merci d’être venus, merci d’aimer le tennis et merci de me soutenir », a mentionné Auger-Aliassime lors de son entrevue d’après-match sur le terrain.
Jesse Levine, un natif d’Ottawa, qui commentait le match d’Auger-Aliassime, a fait remarquer la façon dont Bautista Agut se battait à la troisième manche dans un stade en pleine effervescence. « Il y a quelque chose dans les foules de New York qui permet aux joueurs de s’accrocher. »
Si cela s’applique à la façon dont Bautista Agut a lutté contre Auger-Aliassime, cela s’applique également à Fernandez, car elle a refusé de se laisser intimider et n’a jamais baissé les bras face à la championne en titre.
Fernandez a joué au-dessus de sa tête pendant la majeure partie des deux premières manches, puis a atteint un tout autre niveau lorsque la possibilité de gagner est devenue réelle au troisième acte.
Le match a basculé lorsqu’Osaka, troisième tête de série, a servi à 7-5, 6-5 pour ce que la plupart des observateurs ont présumé être une victoire contre la 73e mondiale. Dans une situation similaire à la fin de la manche initiale, elle a remporté huit points consécutifs à 5-5 pour établir sa supériorité et conclure la manche. Mais cette fois, après avoir brisé Fernandez pour prendre les devants 6-5, elle a commis une faute directe du coup droit dès le premier point, puis deux autres dans le jeu pour concéder son service et se diriger vers un jeu décisif. C’est à ce moment que la Japonaise de 23 ans a commencé à flancher et que Fernandez en a profité pour se donner une avance de 5-0 et finalement gagner 7-2.
Osaka, qui est au centre de l’attention pour ses problèmes de santé mentale liés à la pression qu’elle subit en tant que joueuse de tennis professionnelle depuis Roland-Garros en mai dernier, était clairement ébranlée au troisième acte, mais a fait un effort courageux pour se reprendre à 1-2 après avoir effacé deux balles de bris.
La suite du match pourrait être décrite comme une crise de confiance et un mauvais jeu de la part d’Osaka. Il faut cependant se souvenir d’un fait important : si Osaka a raté des coups, Fernandez, elle, n’en a pas manqué. Elle n’a pas non plus connu de baisse de régime ou de lacune qui aurait pu permettre à Osaka de revenir dans le match.
Fernandez n’a fait face à aucune balle de bris à la manche ultime et a remporté 18 des 19 premières balles de service qu’elle a mises en jeu.
Elle a brisé la Japonaise dès le premier jeu de la manche et l’a conclue en gagnant son service à zéro, produisant notamment son sixième ace et une volée amortie du revers audacieuse.
Expliquant ce qui s’est passé après avoir remporté le jeu décisif du deuxième acte, Fernandez a dit : « À partir de ce moment-là, je me suis battue, j’ai utilisé l’énergie de la foule, j’ai remis la balle en jeu autant que possible, j’ai été agressive et j’ai laissé aller mes coups.
« Je sers très bien depuis quelques matchs. Aujourd’hui, je me suis présentée sur le terrain avec beaucoup de confiance dans mon service. Je savais que j’allais atteindre la cible quand il le fallait. Et j’ai réussi. »
Elle a fait preuve d’une remarquable détermination dans ce grand stade bruyant pouvant accueillir près de 24 000 spectateurs. Cette qualité doit être innée, cela ne s’apprend pas. « Depuis que je suis jeune, je sais que je peux battre n’importe qui », admettait Fernandez. « Même quand je pratiquais d’autres sports, j’étais très compétitive, je disais que j’allais gagner. Je disais que j’allais battre mon père au soccer, même si c’est impossible. J’ai toujours cru en moi et cette conviction s’est réalisée aujourd’hui. »
Cette conviction sera mise à rude épreuve en huitième de finale lorsqu’elle se mesurera à Angelique Kerber, 16e tête de série et championne de 2016. Il pourrait s’agir d’un cas de déjà-vu pour l’Allemande de 33 ans. En effet, elle s’était inclinée face à une étoile montante canadienne de 18 ans, Bianca Andreescu, à Indian Wells et à Miami en mars 2019. Fernandez aura 19 ans lundi.
Quant à Osaka, sa conférence de presse d’après-match a ressemblé à une confession. « Je suppose que nous avons tous nos problèmes, mais je sais que j’en ai aussi. Gagner ne me rend pas heureuse. Je me sens plutôt soulagée. Et quand je perds, je suis très triste. Je ne pense pas que ce soit normal. »
Elle avait les larmes aux yeux, mais elle est restée dans la salle d’entrevue assez longtemps pour dire : « J’ai l’impression d’être à un point où j’essaie de comprendre ce que je veux faire, et honnêtement, je ne sais pas quand je vais jouer mon prochain match de tennis (en larmes). Désolée, je pense que je vais prendre une pause pour un certain temps. »
Alors qu’Osaka passera du 3e au 4e rang de la WTA, Fernandez fera un bond important et se trouver à la porte du Top 50, autour du 52e échelon.
Ce qui rend la victoire d’Auger-Aliassime remarquable est la façon tactique dont il a mené le match, surtout dans les deux premières manches, et la maturité et le sang-froid dont il a fait preuve pour se remettre en selle après avoir perdu la troisième et la quatrième manche.
Lors des deux premiers actes, il a fait tout ce qu’il fallait : il a bien servi, il a été patient et opportuniste avec ses coups agressifs et il est monté au filet aux moments opportuns.
Par la suite, Bautista Agut, a puisé dans ses ressources et a profité de quelques baisses d’intensité du Canadien.
La manche ultime a mis en lumière la résilience d’Auger-Aliassime et sa capacité à se recalibrer, à oublier la déception d’avoir raté six balles de bris au dernier jeu de la quatrième manche.
Il a brisé l’Espagnol pour faire 3-1, puis a repoussé trois balles de bris alors qu’il servait à 4-2. Le dernier jeu a été une glorieuse démonstration de sa capacité à submerger un adversaire. Mené 0-30, il a remporté quatre points consécutifs — un ace à 187 km/h, un service gagnant à 201 km/h, un ace à 183 km/h et le coup de grâce, un coup droit percutant en décroisé sur sa première balle de match.
« La situation a changé rapidement », mentionnait Auger-Aliassime à propos de la troisième et de la quatrième manche. « Il (Bautista Agut) prenait confiance et puis il a commencé à être encore plus solide qu’avant. Je ne servais pas tellement bien, et je n’appuyais pas assez mes coups. À la cinquième manche, je me suis donc dit “c’est tout ou rien, je vais laisser aller mes coups, essayer de mieux servir et monter (au filet)”. Je pense avoir fait preuve de courage. »
Les statistiques le confirment : son ratio coups gagnants/fautes directes était de 19/18, comparativement à 5/5 pour Bautista Agut.
Grâce à cette victoire, il égale son résultat de l’an dernier quand il s’était incliné en huitième de finale contre le futur champion Dominic Thiem. Au prochain tour, il croisera le fer avec l’Américain Frances Tiafoe, 50e mondial, qui a surpris Andrey Rublev (5e) en des comptes de 6-4, 3-6, 7-6(6), 4-6 et 6-1 dans un duel qui s’est terminé à 2 h 14 sur le Court Arthur Ashe.
Il s’agira du premier affrontement entre les deux joueurs et Auger-Aliassime devra se rappeler que l’Américain a éliminé Denis Shapovalov par 6-1 et 6-4 au deuxième tour de l’Omnium Banque Nationale de Toronto il y a trois semaines.
PHOTO D’ARCHIVES
La conception du Court Arthur Ashe, inauguré en 1997, tient du génie : il a été parfaitement aligné avec l’Unisphère, construite pour l’Exposition universelle de 1964 dans le parc Corona, adjacent à Flushing Meadows. Cela a permis de créer un couloir allant de la place située devant le stade jusqu’aux grandes fontaines qui entourent l’Unisphère, une structure de 12 étages en acier inoxydable.
Photo de l’article : camerawork usa